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  • Erhard Schoen, Détail d'un fou désignant un couple d'amants, ca 1530, bois gravé

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  • Hans Baldung Grien, Les trois ages et la mort, 1509-1510, 0,48 x 0,33, Vienne, Kunsthistorisches


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  • MATISSE A ARAGON

     

    Lundi 20/4/42

    Mon cher ami,

     

    Seriez-vous malade ? ou peut-être absent simplement, ou occupé ? Je vous ai envoyé

    un télégramme hier après-midi vous priant de me téléphoner quand vous le pourriez -

    et quoi qu'il n'y ait pas longtemps je suis étonné que vous ne l'ayez pas fait.

    Je voulais vous dire que j'ai reçu les épreuves de Paris pour le livre de dessins. Qu'elles

    sont satisfaisantes. Que je ne suis pas tout à fait décidé pour leur dimension dans la page,

    et comme vieil éditeur vous pourriez peut-être voir avec moi. Ce livre vous intéresse. [...]

    Peut-être pourriez dire par une note marginale que j'ai enfin trouvé objet désiré depuis un an.

    C'est une chaise en baroque vénitien en argent teinté ou vernis. Comme un émail. Vous avez

    probabalement déja rencontré un objet pareil. Quand je l'ai rencontré chez un antiquaire il y a

    qq. semaines j'ai été complètement retourné. Il est splendide, j'en suis habité. C'est avec lui que

    je vais bondir lentement à ma rentrée d'été - en revenant en Suisse.

    /(croquis du fauteuil dans la page)/

    Si vous croyez devoir en dire un mot il ne serait pas mal que vous l'ayez vu avant. Quand vs voudrez !

    Excusez mon groffonnage. Je me suis levé aujourd'hui pour un instant - pour la 1ère fois je vais mieux,

    mais suis fatigué.

    Mes bonnes amitiés à tous deux.

     

    H. Matisse

     


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  •  

    Louis Aragon, Henri Matisse, roman., Paris, Gallimard, 1998

    première édition chez Gallimard en 1971

     Cet extrait est introduit dans le texte d'ARAGON par la transcription d'une lettre de Matisse.

     

    Un croquis du fauteuil est joint à la lettre.

     

    Tout commentaire affaiblirait ce texte. On imagine que je me suis aussitôt précipité à Cimiez.

    En fait, je connaissais le fauteuil, l'ayant apperçu à Nice, dans l'étalage d'un antiquaire de la rue

    Paradis, je crois. Il m'avait arrêté, parce que j'en connaissais la réplique à Paris chez Lise Deharme.

    Mais il faufrait pouvoir dire avec quelles précautions, quelles préparations théâtrales Matisse me fit

    voir le fauteuil "dont il avait été complètement retourné". Et, pour faire cette partie-ci de mon livre,

    quatre ans plus tard, Matisse ne m'a pas donné moins de huit photos de ce fauteuil, sans parler de

    celle d'une esquisse dessinée à l'ocre (huile), 1942, pour le tableau qui est le portrait de ce fauteuil

    (printemps 1946), et qui le représente remplissant entièrement la toile avec un petit bouquet dans un

    verre posé sur le siège. On voit que le flirt a été de longue durée. Le tableau que j'ai vu récemment chez

    Matisse [...], est pour moi une des toiles les plus mystérieuses de ce monde, avec les Batailles d'Ucello,

    le Prisonnier de La Tour, l'Enseigne de Gersaint, et le Clown blanc de Renoir. Presque le seul tableau

    avec lequel je comprenne qu'on vive (...).

     


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