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    Le Monde, vendredi 25 janvier 2007

    supplément Le Monde des livres

    Il ne faut pas se laisser abuser par ce titre, Flirter au Bon Marché, évocateur de légèreté et de flânerie. Car, dans les quatorze textes rassemblés ici - tout comme dans son Henry James, de 1933 -, Gertrude Stein (1874-1946) est complexe. Que cette grande collectionneuse parle de Matisse, de Picasso, qu'elle médite sur la géographie, les Américains, les chefs-d'oeuvre, ou qu'elle salue, de manière insolite, Henry James, la difficulté tient à son style, poétique souvent incantatoire.<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" />C'est un exploit de parvenir à faire entendre sa voix en français, comme le fait Jean Pavans, qui s'en explique dans son introduction : "Si l'on a tâché d'en donner une version en français, c'est bien sûr en ayant conscience de l'ineptie, mais aussi de la légitimité, de l'entreprise. Ineptie, évidemment puisque "la langue anglaise était sa matière", c'est-à-dire les rythmes et les sonorités des mots anglais courants. Mais légitimité aussi." En particulier parce que "c'est le mouvement qui importe, le mouvement de la pensée, et il est restituable". Jean Pavans fait aussi, dans sa présentation, un portrait subtil de Gertrude Stein, y compris dans ses zones d'ombre. Pendant la seconde guerre mondiale, "juive américaine, elle reste en France occupée avec la protection de son traducteur, Bernard Faÿ, actif collaborateur (...). Elle envisage même (mais y renonce) de traduire des discours de Pétain".Dès 1910, dans "Flirter au Bon Marché", Gertrude Stein comprend qu'on ne va plus "faire des courses". "On fait les magasins, on entre dans une différente façon de vivre. Tout est en train de changer." C'est la même année qu'elle écrit des portraits de Matisse et de Picasso. En dépit de son admiration pour le premier, il est clair que sa fascination va au second. Non seulement à cause de son sens "charmant", "solide", "combatif", "clair". Mais parce que "celui-là toujours avait quelque chose sortant de celui-là. Celui-là travaillait. Celui-là avait toujours travaillé".Si le texte le plus émouvant est l'hommage à Juan Gris, écrit juste après sa mort le 11 mai 1927, à l'âge de 40 ans, le plus intéressant est certainement celui de 1935 sur les chefs-d'oeuvre et leur rareté, réflexion intime d'un écrivain sur l'identité, la mémoire, la création.

    FLIRTER AU BON MARCHÉ, ET AUTRES FAITS DE CIVILISATION de Gertrude Stein. Textes choisis, présentés et traduits de l'anglais (Etats-Unis) par Jean Pavans, Phébus, "Libretto", 144 p., 9,80 €.

     


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    Le Moine au bord de la mer, Caspar David Friedrich, 1808/1810


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