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  • VERNISSAGE SAMEDI 28 FEVRIER 2009     

    12 HEURES

    URDLA - VILLEURBANNE


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  • Picasso à l'ancienne

    Critique

    Coup d'envoi hier de «l'événement» Picasso. Les Galeries du Grand Palais associées à Orsay et au Louvre confrontent in situ le maître du cubisme à ses inspirateurs.

     

    PHILIPPE LANÇON ET GÉRARD LEFORT

     

    Pablo Picasso.  les femmes d' Alger, 1955.

    Pablo Picasso. les femmes d' Alger, 1955.

    A lire ces temps-ci toutes les feuilles et à regarder toutes les télés, il semblerait que le principal intérêt de la poly-expo Picasso (au Grand Palais, à Orsay et au Louvre) soit sa cherté (4,3 millions d'euros TTC). La faute aux assurances, aux transports, à la sécurité et tout le toutim. Une superproduction dont le lancement s'apparente à s'y méprendre à la promotion d'un film-auquel- vous-n'échapperez-pas. Asterix chez les Picassiettes? Dans les propos des responsables, le chantage est à peine voilé : vous n'allez tout de même pas dire du mal d'un «événement» qui a coûté aussi cher, rien qu'avec des stars internationales. Et, seconde louche de prise d'otage, qui fut tellement compliqué à organiser. Sur ce dernier point, les mêmes responsables sont intarissables, notamment sur les aléas et soucis d'une sorte de troc et puces inter-musées: tu me prêtes un Goya, je te fourgue vingt Picasso. Dealé ? Cette double approche bancaire et psycho(-pathologique?) est dans l'air du temps et n'est pas nouvelle pour les manifestations culturelles dites à grand spectacle. Sauf qu'ici elle tombe légèrement en porte à faux avec l'actualité mondiale. Quand l'argent était roi, cette promo de nouveau riche serait passée pour une vertu. Maintenant que le roi est nu, elle pourrait passer pour un péché, sinon une honte. Tout ceci étant dit, à quoi ressemble le Magical Picasso Tour ?

    Aux Galeries(du Grand Palais), tout commence par une salle des autoportraits. Les invités vedettes se bousculent au portillon : Poussin, Gauguin, Cézanne, Goya, Greco, Delacroix, Rembrandt et Picasso le jeune (1901) donc. Ce qui reviendrait dans une surboum chez les milliardaires à commencer par le carré VIP. Cette première impression jet-set est la bonne et se confirme. De salle en salle, le beau linge s'étend, à tu et à toi. Holà Pablo! Que tal, Francisco? Tout le monde s'amuse, tout le monde est très gai, sauf les Menines, putas de su madre, qu'on ne verra donc pas en peinture mais qui ont quand même envoyé un mot d'excuse : leur projection en diapo dans les cimaises mais dans un coin, sans doute pour exalter leur évidence procubiste. A Madrid, il y a deux ans, elles étaient le clou d'un semblable spectacle, modèle réduit, qui sonne rétrospectivement comme une avant-première. C'était plus modeste mais plus efficace, le diable Picasso s'habillait en Prado.

    A Paris, c'est plus copieux, c'est buffet de chefs-d'œuvre à volonté, sidérants certes, mais c'est quoi l'idée? Picasso a regardé des peintures. Faites excuse : des maîtres ! Ce qui place l'accrochage sous la haute surveillance d'un esprit lourdement scolaire. Exemples. Un adorable petit baigneur massif de Cézanne (1883) fait l'avion avec ses bras. A côté, bling-bling, deux adolescents picassiens de 1906, tout roses de plaisir, tout épilés, s'étirent. Une femme de Cézanne (1898) ne cache rien de sa nudité, bras en l'air. A côté, drelin-drelin, une femme de Pablo (1906), tout aussi nue, masque des mains son buisson censément ardent. Au rayon Vanités, entre une tête de mouton de l'ami Goya (1808-1812) et le carré d'agneau de la maison Chardin (1732), un trio de mâchoires de bêtes (17 octobre 1939) et une nature morte au crâne de mouton (6 octobre 1939) de Pablito. Voyez le rapport? Oui, mais encore? C'est pour le jeu des sept erreurs ?

    En clou du showroom : mesdemoiselles au salon (des indépendantes), avec les top-modèles Venus, Maja et Olympia qui ont fait le déplacement, un peu poseuses, surtout à poil, sous le regard des vieilles putes magnifiques de Degas (La fête de la patronne, monotype à l'encre rehaussé de pastels. 1878). Ces belles plantes ne s'étaient jamais rencontrées, personne n'avait songé à les faire défiler ensemble. Voilà c'est fait, c'est chic. Bisous je t'embrasse. Et à plus.

    A la sortie, on se sent ballonné. Et même gavé, avec un mal de foi carabiné. A ceux qui croyaient en effet que l'histoire de l'art n'est pas un long fleuve tranquille mais un torrent fait de ruptures, de sauts dans le vide, de coups de hache dans la glace, Picasso et les bons maîtres assènent un sérieux coup de bambou sur la tête : Picasso s'est ins-pi-ré. Pas un copieur non, pas un voleur, raccrochez quelle horreur, mais un-classique-moderne-qui-s'inscrit-dans-une-continuité. Respect! Car, suivez le guide, déjà Picasso perçait sous Delacroix, Ingres, Manet, Chardin, Poussin, etc. (si l'on ose dire). On sait les dégâts de cette idéologie croissante du «tout est dans tout» pourvu qu'il y en ait trop, et son effet induit: la paix des braves dans un silence de caveau de famille.

    Etant donné la rigidité et pour tout dire la pauvreté paradoxale du propos, qui d'ailleurs s'autodénature en une exposition fédérale sur les genres (l'autoportrait, la nature morte, les nues, les femmes...), c'est au chausse-pied que les «preuves» entrent dans leurs petits souliers démonstratifs avec la grâce d'un éléphant dansant la tektonik. Des fois ça casse (entre autres les pieds). Pour la Buveuse d'absinthe de Picasso (1901), Degas, tel l'esprit, est là, mais Toulouse hurle son nom de Lautrec dans les Galeries désertes. Des fois, ça marche : fondu en noir et gris d'un nu (d'Ingres) à l'autre (de Picasso). La Pisseuse de 1965 au corps à corps avec la Femme se baignant dans un ruisseau de Rembrandt (1654), sorte d'équivalent de la miction sartrienne sur la tombe de Chateaubriand. La «copie» (1962) de L'enlèvement des Sabines (1637-1638) de Poussin : péplum et couilles au vent. Et toujours cette impression que les tableaux venus d'ailleurs sont ici en vacances, dans une auberge de jeunesse, s'encanaillant avec Pablo le taulier. La Maja nue, on ne l'avait jamais vue, en tout cas pas comme ça, aussi libre, aussi naturiste, aussi chaude parmi les nues du Vieux.

    Direction Orsay,quatre salles dévolues à la confrontation avec Le déjeuner sur l'herbe de Manet. Ce qui frappe et aveugle, c'est la déco: un papier peint tendance (olive et marron), librement inspiré, quant au motif, du Déjeuner (des arbres stylisés), et qui ne choquerait pas en vitrine de n'importe quel Habitat. Superflu, modasse et raté.

    Final au Louvre, qui n'a presque rien changé à ses habitudes. Dans un hall du pavillon Denon, Les femmes d'Alger de Delacroix sont mises en regard des quinze variations et moult dessins préparatoires que Picasso lui a fait subir. C'est sec comme un coup de trique, mais cette ascèse fait enfin toucher des yeux ce que pouvait être, comme du Pérec en peinture, une tentative d'épuisement du sujet, qu'il soit cruche ou chef-d'œuvre certifié. Une sorte d'inépuisé inépuisable.

    A Ponge en 1960, Picasso dit : «Nous ne faisons pas des chefs-d'œuvre, nous. Nous nous moquons de faire des chefs-d'œuvre, nous faisons des études, des exercices, nous travaillons, nous étudions, nous nous exerçons.»


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