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Victor Hugo - Le château-fort
Le château-fort
A quoi pensent ces flots, qui baisent sans murmure
Les flancs de ce rocher luisant comme une armure ?
Quoi donc ! n'ont-ils pas vu dans leur propre miroir,
Que ce roc, dont le pied déchire leurs entrailles,
A sur sa tête un fort, ceint de blanches murailles,
Roulé comme un turban autour de son front noir ?
Que font-ils ? à qui donx gardent-ils leur colère ?
Allons ! acharne-toi sur ce cap séculaire,
O mer ! Trêve un moment aux pauvres matelots !
Ronge, ronge ce roc ! qu'il chancelle, qu'il penche,
Et tombe enfin, avec sa forteresse blanche,
La tête la première, enfoncé dans les flots !
Dis, combien te faut-il de temps, ô mer fidèle,
Pour jeter bas ce roc avec sa citadelle ?
Un jour ? un an ? un siècle ?... au nid du criminel
Précipite toujours ton eau jaune de sable !
Que t'importe le temps, ô mer intarissable ?
Un siècle est comme un flot dans ton gouffre éternel.
(...)
26 novembre 1828
Vicor Hugo, "Les orientales : XIV-Le château-forts", in Oeuvres poétiques, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1964, p. 630
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