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Rêver à la Suisse - Henri Calet
Henri Calet, Rêver la Suisse, Paris, Pierre Horay, 1984
Première édition chez Flore en 1948
Au cours de l'été de 1946, l'envie me prit d'aller en Suisse. Il semble que j'évoque un temps
très lointain. La guerre venait de finir; on espérait que la paix suivrait, comme d'habitude. Les
femmes portaient uniformément des jupes courtes. On parlait encore de la "Résistance". A cette
époque, tout nous parassait simple. Les restrictions alimentaires seraient progressivement levées,
pensions-nous. On se dirigeait vers le bien-être, la sécurité, la démocratie, sous les ailes de l'onu.
Oui, tout était clair alors. Tandis qu'aujourd'hui...
Mais retournons plutôt à l'année 1946. Ce n'était pas un désir irrépressible ni aucune prédilection
qui me poussait vers la Suisse, mais presque une foucade. Je me sentais assez attiré par ce petit
pays, toujours neutre et toujours prospère, par les montagnes et les lacs qui s'y trouvent, un peu
aussi par les tissus de pure laine que l'on voyait, disait-on, aux étalages, et par le chocolat
Gala Peter dont je gardais comme une nostalgie. Un pays sans marché noir ou les produits se
vendaient en centimes. J'avais également quelque curiosité pour les innombrables distributeurs
automatiques, décrits par Jean Paulhan avec un certain enthousiasme. Et puis l'air de la Suisse
est très pur. [...]
L'allusion à Jean Paulhan renvoi à son Guide du voyage en Suisse qu'il publia quelques années auparavant.
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