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    Détail d'une fresque sur le site de Varallo (Italie)


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    De sa couche elle voit se lever Vénus. Encore. De sa couche par temps clair elle voit se lever Vénus suivie d'un soleil. Elle en veut alors au principe de toute vie. Encore. Le soir par temps clair elle jouit de sa revanche. A Vénus. Devant l'autre fenêtre. Assise raide sur sa vieille chaise elle guette la radieuse. Sa vieille chaise en sapin à barreaux et sans bras. Elle émerge des derniers rayons et de plus en plus brillante décline et s'abîme à son tour. Vénus. Encore. Droite et raide elle reste là dans l'ombre croissante. Tout de noir vêtue. Garder la pose est plus fort qu'elle. Se dirigeant debout vers un point précis souvent elle se fige. Pour ne pouvoir repartir que longtemps après. Sans plus savoir ni où ni pour quel motif. A genoux surtout elle a du mal à ne pas le rester pour toujours. Les mains posées l'une sur l'autre sur un appui quelconque. Tel le pied de son lit. Et sur elles sa tête. la voilà donc comme changée en pierre face à la nuit. Seuls tranchent sur le noir le blanc des cheveux et celui un peu bleuté du visage et des mains. Pour un oeil n'ayant pas besoin de lumière pour voir. Tout cela au présent. Comme si elle avait le malheur d'être encore en vie.

     

    Samuel Beckett, Mal vu mal dit, Paris, Minuit, 1981, p. 7


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    L'auteur de cette courte réaction a écrit un texte dans le catalogue de l'exposition.

    Il exerce dans ces quelques lignes sa liberté d'expression qui n'engage que lui.

    Par ailleurs, nous recommandons la visite de l'exposition. Avancer un point de vue ne signifie pas condamner l'évenement.

     

     

     

    Irréel : de la réalité au rêve

    Philipe Favier | Gordon Hart | Isabelle Jarousse | Frédéric Khodja | Kacem Noua | Samuel Rousseau | Eric Roux-Fontaine

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Villefranche-sur-Saône, Musée Paul Dini, jusqu'au 21 septembre 2008
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    Irréel. Sept artistes se côtoient dans l'espace d'exposition temporaire du musée Paul Dini de Villefranche-sur-Saône. Sept personnalités, sept démarches artistiques, sept regards sur la création, sept usages de médiums plastiques, sept ego à satisfaire...

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    L'accrochage est globalement agréable : le parcours est ponctué par sept petites expositions monographiques qui sont efficaces de manière autonome et propres à faire pénétrer le visiteur dans l'univers de chaque artiste.

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    Rêve. Le commissaire d'exposition ne rêve-t-il pas, pourtant, de travailler plus en profondeur les problématiques qui motivent son travail : en essayant de proposer des passerelles entre les artistes, entre les œuvres, entre les thèmes, motifs, systèmes de pensée, matériaux, pratiques proposées au regard dans une même exposition ?

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    Le passage de la réalité au rêve, tant vanté et mis en scène par l'exposé des enjeux de l'exposition, n'est-il pas complètement rompu par les frontières intellectuelles qui existent entre les artistes ainsi que physiquement dans l'exposition par le cloisonnement monographique des œuvres ?  Nous aurions envie de renverser la proposition, et il semble que l'accrochage démontre plus clairement un déplacement d'un rêve : faire cohabiter dans un même espace des œuvres très différentes pour favoriser la rêverie, vers une réalité : ces artistes n'ont que très peu de choses à se dire. C'est d'ailleurs le titre d'un ouvrage d'Edmond Jaloux (Du rêve à la réalité) : passer de ce que Leiris a nommé le « revers de la veille » à l'endroit du lendemain.

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    Réalité. La configuration de l'exposition de Villefranche ne permet pas de dialogues, et les questionnements qui sont présentés en préambule ne peuvent trouver une densité et une transversalité. Les multiples regards sur le thème sont perçus les uns après les autres, s'excluant ou se répétant, mais ne possédant pas la richesse d'une démonstration commune. L'angle unique qui permet de pénétrer le thème général de l'exposition est son adaptabilité au travail de chaque artiste. Le thème peut englober de très nombreuses contributions et surtout n'en exclu aucune. Sujet passe partout, il s'efface au profit de l'unique clef de lecture de l'exposition : que chaque artiste puisse montrer un ensemble d'œuvre significatif qui permet de saisir les enjeux de sa pratique.

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    Faisons un rêve. Quittons la réalité pour se projeter au milieu du XIXe siècle. Si l'exposition Irréel conçue de la même manière avait eu lieu vers 1860 nous aurions pu voir dans un même espace sept ensembles monographiques d'œuvres importantes des artistes aussi différents que Bargue, Bartholdi, Cabanel, Manet, Nadar... Cet accrochage irréel, anhistorique, anachronique, permet toutefois de questionner notre réalité. Il semble totalement invraisemblable des réunir les œuvres de ces artistes produites de manière contemporaine. Mais semble-t-il que le thème « de la réalité au rêve » aurait pu créer un semblant de cohérence et une pierre d'achoppement auquel tout le monde peut se raccrocher pour se rassurer (commissaires, publics, critiques...).

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    Le rêve ou la rêverie telle quelle est décrite par Jean-Jacques Rousseau, naît d'une observation du monde, de détails de la réalité, qui sont prétexte à divaguer, par la promenade physique dans le paysage et la promenade intellectuelle dans un magma de connaissances, de réflexions... Mais dans quelles circonstances et grâce à quels ressorts, la promenade muséale peut-elle véritablement nous conduire à la rêverie ?

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    Nous avons volontairement détourné le principe même de la critique d'exposition qui est :

    1-      de faire évènement

    2-      d'encenser l'évènement

    3-      de parler des œuvres exposées

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    Nos propos relatifs au concept même d'un accrochage collectif désarticulé autour d'un thème général, nous conduisent à ne pouvoir exprimer d'autres remarques plus précises sur les œuvres elles-mêmes. Il s'agit de contourner le risque contenu dans le fait de parler successivement de chaque artiste en développant quelques propos stéréotypés et réducteurs, extraits d'une densité que nous ne pouvons rendre par les mots, les œuvres, si elles sont efficaces, devant elles-mêmes en dire beaucoup...

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    05-04-08 | GP


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    Daniel Arasse, "La solitude de Mark Rothko", Art Press, avril 1999, n° 245, p. 24-30 (repris in Daniel Arasse, Anachroniques, Paris, Gallimard, 2006, p. 83-93)

     

    (...) Intimes, ces grandes toiles sont pourtant théâtrales. Pour Mark Rothko, ce sont des "drames" dont les formes sont les "interpretes". Mais si cette théâtralité de Rothko suppose un spectateur, c'est pour mieu l'absorber, mentalement et physiquement, dans sa contemplation. Il faut du temps pour voir un Rothko. Il attend du spectateur un échange spirituel, une "transaction réelle", supportée et relayée par celles qui se jouent entre les surfaces de l'oeuvre. Tout ce qu'il "veut dire", il le déclare en 1949, tient entre deux "pôles" : le double mouvement d'expansion et de contraction qui anime ses surfaces. Entre les rectangles de tonalités diverses, d'intimes transactions s'opèrent, dont la lente progression est encouragée, dans les Peintures noires, par l'obscurité générale des tons et, dans la chapelle de Houston, cette lenteur prend même le rythme d'un rituel. Après le choc causé par l'évidence monumentale auquel succède le cheminement du regard dans la surface, le peinture de Rothko construit une perception différée, elle "met en scène une attente". (...)


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