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    Chanson Dada

     

    I

    la chanson d'un dadaïste
    qui avait dada au coeur
    fatiguait trop son moteur
    qui avait dada au coeur

    l'ascenseur portait un roi
    lourd fragile autonome
    il coupa son grand bras droit
    l'envoya au pape à rome

    c'est pourquoi
    l'ascenseur
    n'avait plus dada au coeur

    mangez du chocolat
    lavez votre cerveau
    dada
    dada
    buvez de l'eau

    II

    la chanson d'un dadaïste
    qui n'était ni gai ni triste
    et aimait une bicycliste
    qui n'était ni gaie ni triste
    mais l'époux le jour de l'an
    savait tout et dans une crise
    envoya au vatican
    leurs deux corps en trois valises

    ni amant
    ni cycliste
    n'étaient plus ni gais ni tristes

    mangez de bons cerveaux
    lavez votre soldat
    dada
    dada
    buvez de l'eau

    III

    la chanson d'un bicycliste
    qui était dada de coeur
    qui était donc dadaïste
    comme tous les dadas de coeur

    un serpent portait des gants
    il ferma vite la soupape
    mit des gants en peau d'serpent
    et vient embrasser le pape

    c'est touchant
    ventre en fleur
    n'avait plus dada au coeur

    buvez du lait d'oiseaux
    lavez vos chocolats
    dada
    dada
    mangez du veau

    Tristan Tzara (1923)


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    Instantané<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p> </o:p>Il est à peine six heures moins cinq. Devant les grandes portes menant à la nef du Grand Palais, des dizaines de camions stationnent en pagaille et s'affairent à sortir des caisses de bois.

    « Donald Judd », « Paul Rebeyrolle », « Galerie Lelong », « Jacques Monory »... Les inscriptions peintes sur les caisses, encore vides, qui sont roulées vers l'ancienne salle de machines, aujourd'hui grande halle dédiée par intermittence à l'art contemporain et à de grandes manifestations populaires.

    Art Paris ferme ses portes. Les transporteurs se pressent pour décrocher, emballer et déplacer les œuvres, qui ont été présentées pendant quatre jours sur des cimaises précaires à un public trié sur le volet. Ils se battent presque. Echangent des mots, parfois violents. Les œuvres doivent être emmenées au plus vite. Retour à la galerie si elles n'ont pas trouvé preneur. Direction l'appartement d'un collectionneur fortuné du XVIe arrondissement, qui la remettra en vente aux enchères dans deux ans, pour les plus chanceuses...

    Les caisses s'entrechoquent, manquent de basculer des planches à roulettes.

    Prendre conscience. Que les objets transportés dans ces caisses sont des œuvres. Mais également des biens marchands. Des produits de consommation. Consommation « peu courante ».

    Délectation de l'œil | Délectation de l'esprit | Délectation du moi | Délectation de l'apparat | Déliquescence...<o:p> </o:p><o:p> </o:p> 

     

    GP | 7-04-08

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    L'auteur de cette courte réaction a écrit un texte dans le catalogue de l'exposition.

    Il exerce dans ces quelques lignes sa liberté d'expression qui n'engage que lui.

    Par ailleurs, nous recommandons la visite de l'exposition. Avancer un point de vue ne signifie pas condamner l'évenement.

     

     

     

    Irréel : de la réalité au rêve

    Philipe Favier | Gordon Hart | Isabelle Jarousse | Frédéric Khodja | Kacem Noua | Samuel Rousseau | Eric Roux-Fontaine

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Villefranche-sur-Saône, Musée Paul Dini, jusqu'au 21 septembre 2008
    <o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p> </o:p>

    Irréel. Sept artistes se côtoient dans l'espace d'exposition temporaire du musée Paul Dini de Villefranche-sur-Saône. Sept personnalités, sept démarches artistiques, sept regards sur la création, sept usages de médiums plastiques, sept ego à satisfaire...

    <o:p> </o:p>

    L'accrochage est globalement agréable : le parcours est ponctué par sept petites expositions monographiques qui sont efficaces de manière autonome et propres à faire pénétrer le visiteur dans l'univers de chaque artiste.

    <o:p> </o:p>

    Rêve. Le commissaire d'exposition ne rêve-t-il pas, pourtant, de travailler plus en profondeur les problématiques qui motivent son travail : en essayant de proposer des passerelles entre les artistes, entre les œuvres, entre les thèmes, motifs, systèmes de pensée, matériaux, pratiques proposées au regard dans une même exposition ?

    <o:p> </o:p>

    Le passage de la réalité au rêve, tant vanté et mis en scène par l'exposé des enjeux de l'exposition, n'est-il pas complètement rompu par les frontières intellectuelles qui existent entre les artistes ainsi que physiquement dans l'exposition par le cloisonnement monographique des œuvres ?  Nous aurions envie de renverser la proposition, et il semble que l'accrochage démontre plus clairement un déplacement d'un rêve : faire cohabiter dans un même espace des œuvres très différentes pour favoriser la rêverie, vers une réalité : ces artistes n'ont que très peu de choses à se dire. C'est d'ailleurs le titre d'un ouvrage d'Edmond Jaloux (Du rêve à la réalité) : passer de ce que Leiris a nommé le « revers de la veille » à l'endroit du lendemain.

    <o:p> </o:p>

    Réalité. La configuration de l'exposition de Villefranche ne permet pas de dialogues, et les questionnements qui sont présentés en préambule ne peuvent trouver une densité et une transversalité. Les multiples regards sur le thème sont perçus les uns après les autres, s'excluant ou se répétant, mais ne possédant pas la richesse d'une démonstration commune. L'angle unique qui permet de pénétrer le thème général de l'exposition est son adaptabilité au travail de chaque artiste. Le thème peut englober de très nombreuses contributions et surtout n'en exclu aucune. Sujet passe partout, il s'efface au profit de l'unique clef de lecture de l'exposition : que chaque artiste puisse montrer un ensemble d'œuvre significatif qui permet de saisir les enjeux de sa pratique.

    <o:p> </o:p>

    Faisons un rêve. Quittons la réalité pour se projeter au milieu du XIXe siècle. Si l'exposition Irréel conçue de la même manière avait eu lieu vers 1860 nous aurions pu voir dans un même espace sept ensembles monographiques d'œuvres importantes des artistes aussi différents que Bargue, Bartholdi, Cabanel, Manet, Nadar... Cet accrochage irréel, anhistorique, anachronique, permet toutefois de questionner notre réalité. Il semble totalement invraisemblable des réunir les œuvres de ces artistes produites de manière contemporaine. Mais semble-t-il que le thème « de la réalité au rêve » aurait pu créer un semblant de cohérence et une pierre d'achoppement auquel tout le monde peut se raccrocher pour se rassurer (commissaires, publics, critiques...).

    <o:p> </o:p><o:p> </o:p>

    Le rêve ou la rêverie telle quelle est décrite par Jean-Jacques Rousseau, naît d'une observation du monde, de détails de la réalité, qui sont prétexte à divaguer, par la promenade physique dans le paysage et la promenade intellectuelle dans un magma de connaissances, de réflexions... Mais dans quelles circonstances et grâce à quels ressorts, la promenade muséale peut-elle véritablement nous conduire à la rêverie ?

    <o:p> </o:p><o:p> </o:p>

    Nous avons volontairement détourné le principe même de la critique d'exposition qui est :

    1-      de faire évènement

    2-      d'encenser l'évènement

    3-      de parler des œuvres exposées

    <o:p> </o:p>

    Nos propos relatifs au concept même d'un accrochage collectif désarticulé autour d'un thème général, nous conduisent à ne pouvoir exprimer d'autres remarques plus précises sur les œuvres elles-mêmes. Il s'agit de contourner le risque contenu dans le fait de parler successivement de chaque artiste en développant quelques propos stéréotypés et réducteurs, extraits d'une densité que nous ne pouvons rendre par les mots, les œuvres, si elles sont efficaces, devant elles-mêmes en dire beaucoup...

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    05-04-08 | GP


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    Traduire Jérôme

     

    Les représentations de Saint Jérôme se résument à deux situations spatiales très spécifiques qui s'opposent totalement. Le saint est représenté soit à genoux dans un très large paysage déserté, ou il est figuré à sa table de travail dans un cabinet habité d'objets d'esprits. 

    Jérôme entretient une relation avec la nature, dans une position d'exclusion du monde et de retranchement au sein des richesses offertes par le paysage. Les représentations sont d'ailleurs prétextes à représenter des zones paysagères extraordinaires, irréalistes, qui deviennent des morceaux de peinture en elles-mêmes. D'une manière allégorique c'est la relation de l'homme à son environnement qui est mesurée dans ce premier exemple de représentation. La situation narrative de ces scènes permet de condenser des stratifications sémantiques complexes, et permet de quetionner le sublime en peinture dès le XVe siècle ; le saint se frappant le torse avec une pierre, acte douloureux, trouvant son écho dans le réseau d'arbres, de troncs, de branches, de feuillage, de brindilles...

     

    Jérôme entretient une relation avec les livres et en particulier avec le Livre : la Bible dont il est le traducteur. L'insertion du saint dans son cabinet, second thème iconographique attché à son histoire, permet de pronlonger les idées développées pour le cadre naturel. Par opposition, il s'agit ici de créer une relation entre un personnage et un espace suffisant à condenser les idées, l'esprit, l'intelligence. Ce n'est plus le rapport à la Nature qui est mesuré, mais celui au savoir, à la Connaissance. Les deux thème sont ainsi complémentaires et prennent une dimension emblématique, comme si St Jérôme permettait de concilier deux attitudes fondamentales de l'homme : la relation à la nature et le rapport à la construction artificielle du savoir. Mais les deux attitudes se rejoignent par le caractère d'enfermement qu'elles nécessitent. Enfermement par l'éloignement et la fuite dans des zones désertées, ou enferment de l'espace fermé du cabinet, coupé du monde réel.

     

    St Jérôme condense deux attitudes face au monde. Il traduit grâce à l'étude, le livre de référence pour l'Europe occidentale et s'impose ainsi comme la patron des traducteurs. Mais traduire ne signifie pas dans son premier sens passer d'une langue à une autre. Le terme est avant tout judiciaire et est resté dans l'expression "traduire en justice". Il s'agit d'une présentation, d'un déplacement, d'un translation d'un état à un autre. De la vie quotidienne à un espace avant tout symbolique aui permet de rendre la justice. La traduction est donc largement attachée à la question de la projection ou du déplacement d'un élément connu et lisible, à un point isolé dans un cadre artificiel qui doit permettre de faire surgir le plus juste. Le phénomène de la traduction littéraire, étudié par Valéry Larbaud dans son ouvrage sur St Jérôme, renvoi directement à la traduction judiciaire du XVe siècle. Comme le prévenu qui est translaté d'une situation de liberté à celle d'une mise en scène devant lui infliger un traitement juste par rapport à sa situation, le texte qui a une présence en soi dans une langue ou dans un type de langage, est "traduit en lettres" dans un lieu de mise en scène qu'est le cabinet, qui permet de déterminer le justesse du nouveau texte. La traduction est toujours un nouvel état et ne correspond pas à sa référence. Elle est une véritable création appuyée sur une référence antérieure.

    Gwilherm Perthuis

     

     

    Cf Valéry Larbaud, Sous l'invocation de Saint Jérôme, Paris, Gallimard, 1997 (1ère édition 1946)

     

     


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  • Amante religieuse

     

    Roger Caillois, perdu dans le dédale labyrinthique de la revue Minotaure, explore le fonctionnement sexuel d'un insecte : la mante religieuse. Ce dictyoptère cannibale se dévore mutuellement après l'accouplement, la femelle fertilisée dévorant son mâle, et scellant ainsi la relation très forte entre l'acte sexuel et la mort. Le fonctionnement de l'insecte a fasciné l'entourage de Caillois et en particulier les fondateurs du Collège de Sociologie (Bataille, Leiris, Klossowski...). L'animal étant érigé comme élément détaillé paradigmatique d'une question existentialiste propre à l'Homme. La mante peu d'ailleurs être assimilée à l'amante dont les pratiques non religieuses, peuvent la conduire à se faire dévorer.

    André Masson, qui fut proche de Bataille et des revues Minotaure et Acéphale, traite dans la série des Massacres, cette question du rapport entre l'érotisme et la mort. Au coeur des Larmes d'Eros de Georges Bataille, ce couple est également présenté par Masson grâce à des dessins montrant des personnages féminins et masculins nus en train de s'entretuer et d'avoir des relations sexuelles. André Masson a par ailleurs représenté plusieurs fois des mantes religieuses en train se s'accoupler. Max Ernst travaille également la dimension sexuelle de l'insecte dans sa peinture les Sauterelles dont le motif principal oscille entre le végéal et l'animal. Les dessins de Masson se confondent d'ailleurs par le style avec les Constellations sadiques ou les hommages au divin Marquis proposées à la fin des années 1930. Sade, figure tutélaire des surréalistes fascina les principaux tenants du mouvement, et bénéficia en particulier du Portrait imaginaire imaginé par Man Ray dès 1938. Le portrait constitué de blocs de pierre, renvoyant à celles qu'il a constament connues lors de ses enfermements successifs, caractérisent l'esprit même de Sade. La Bastille, Lacoste, Vincennes... suffisent à caractériser les lieux d'écriture des manuscrits emblématiques que les surréalistes réinvestiront près de 130 ans après.

    On connait le rapport de Sade à la religion. Les mises en scène les plus sordides étant celles qui incluent des hommes d'Eglise. Les "amantes religieuses" des curés et évèques sont particulièrement pointées dans les ouvrages extraordinaires et uniques de DAF de Sade. Certaines pratiques purement bestiales, quasiment illisbles, tant elles sont insoutenables, se rapprochent de la cruauté apparente de la mante religieuse. Sade rapproche sans cesse les plaisirs extrêmes de la frontière entre la vie et la mort. C'est le tutoiement de la mort qui permet au plaisir d'être le plus intense. Mais les texte de Sade ne sont pas à prendre au premier degré. Leur porté sociale et politique est à valoriser, afin d'en libérer une approche plus intense. Le rouleau des 120 journées est un objet emblématique qui déorule un récit inventé dans l'enfermement de la bastille. Il fut reproduit dans la revue Documents de Bataille grâce à une photographie de Boiffard (en 1929). Mais son aura est toujours aussi vive aujourd'hui : offrant un flux continuel de pratiques insoutenables mais fixant les limites de l'homme, de son rapport à l'autre, et de son rapport à son corps.

    GP


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