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    Figuration narrative

    Paris | Galeries Nationales du Grand Palais


    Pénétrer un espace saturé de couleurs, bariolé. Un pan de mur jaune, le retour orange, celui qui lui fait face est rouge vermillon... Le visiteur est déjà dans la peinture, il est comme englouti dans l'espace chromatique qui renvoi aux grandes toiles colorées qu'il peut s'attendre à voir au sein d'une exposition rétrospective relative à la Figuration narrative. Ce choix scénographique est discutable : à la fois propice à rentrer dans le sujet, mais aussi une affirmation très forte qui risque de prévaloir sur les œuvres elles-mêmes.
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Les Galeries Nationales du Grand Palais exposent jusqu'en juillet prochain, des œuvres importantes d'une vingtaine d'artistes qui ont été catégorisés, un peu facilement, au sein du mouvement appelé figuration narrative au début des années 1960. Cet évènement, programmé en écho aux célébrations redondantes et simplificatrices de mai 1968, fait le point sur l'importance historique de ce groupe d'artiste qui a fait le choix délibéré de s'affranchir de l'abstraction pour confier de nouveau à la peinture la tâche de raconter des histoires et de mettre en fiction des micro évènements souvent ancrés dans la réalité. Nous ne reviendrons pas ici sur l'histoire du groupe et sur son identité, étudié précisément à de très nombreuses reprises dans des centaines de publications, mais nous souhaitons évoquer dans ces lignes, quelques concepts et idées qui surgissent de la visite de l'exposition en essayant de montrer le caractère lui-même historique de l'exposition, ainsi que ces limites. 
    <o:p> </o:p>Le parcours est amorcé avec des toiles importantes réalisées par les tenants de la nouvelle figuration : Klasen, Erro, Rancillac, Monory, Fromanger et par l'évocation du critique Gérard Gassiot-Talabot qui organise l'exposition manifeste Mythologies quotidiennes en 1964 avec les œuvres d'une cinquantaine d'artistes. Cette première section de type thématique, permet de familiariser le visiteur à la complexité du répertoire formel, iconographique, et plastique, des artistes rangés dans la figuration narrative. Les grands thèmes permettent de décortiquer les grands groupes d'œuvres et de mettre en évidence les items d'une éventuelle grille de lecture historique des débuts du mouvement. La seconde section labellise les artistes les plus importants, qui semblent, après une période de gestation de 40 ans, avoir suffisamment fait leur preuves pour que l'histoire de l'art les retiennes. L'espace est ainsi organisé en une succession de petites expositions monographiques composées de 5 à 10 tableaux pour chacun, souvent les œuvres les plus ancrées dans la temporalité des années 1960. Certains artistes tels que Gérard Fromanger sont quelque peu oubliés, au profit de Klasen, Cueco, ou Arroyo qui semblent omniprésents. Le parti pris de l'exposition est donc d'offrir un regard très partial sur ces artistes de la nouvelle figuration, en délaissant un accrochage historique qui mettrait en lumière ses conditions de développement en 1964, au profit d'un état des lieux contemporains permettant de légitimer certaines pratiques contre d'autres. Les thèmes et les groupes monographiques permettent ainsi de rentrer dans ces peintures et d'officialiser une certaine lecture politique, sociale, et artistique, plaisante par rapport au regard simultané sur mai 1968. Un visiteur résumait bien la situation : « Ah oui, c'est cela, à cette époque j'avais 20 ans ! ». C'est bien à une célébration que vise cette exposition : les artistes de la génération 1930 sont en fin de parcours, c'est l'heure du bilan..., les visiteurs se reconnaissent dans ces peintures dont les préoccupations et l'iconographie évoquent des images mentales et des souvenirs qui oscillent (comme les peintures) entre expérience personnelle et universelle du monde...., les institutions qui après les propos sur mai 1968 tenus par NS, doivent travailler en nuance le rapport de notre monde actuel avec le temps de la jeunesse de la génération qui nous gouverne...
    <o:p> </o:p>Comment en tant que jeune visiteur de moins de 25 ans pouvons nous vivre ce type d'exposition, en parler, et le transcrire en mots, tout en conservant un axe d'historien de l'art ? Tentons à présent de développer quelques idées sur la manière dont nous avons pu ressentir cette exposition, sur ce qu'elle apporte, et ce qu'elle manifeste dans notre rapport à l'image et dans l'usage de cette dernière.
    <o:p> </o:p><o:p> </o:p>Le couple de terme qui permet de nommer le groupe de peintres exposés ce printemps à Paris, suffit à résumer ses enjeux et à définir les spécifiés des pratiques picturales : figuration et narration sont au cœur de leur projet. Klasen, Erro, Monory, Fromanger ou Cueco ont ainsi comme points communs fondamentaux de vouloir raconter des histoires en peignant et ce en représentant de manière figurative des objets du quotidien ou attaché au monde contemporain. Il s'agit de rompre avec le quasi dictat de l'abstraction que les artistes ont subi à la fin des années 1950. Jacques Monory, qui avait débuté sa carrière en produisant des peintures relevant des abstractions américaines d'après-guerre, détruit totalement sa production au début des années 1960 pour rompre totalement avec une période qui ne lui convenait pas, et il noue des liens amicaux avec des artistes qui ont des préoccupations proches des siennes : qui ont une conception similaire du rapport de l'image au réel. La Figuration narrative se caractérise également comme une ouverture sur des questions universelles et sérieuses, mais dont les ressorts reposent sur l'exposition de faits divers, d'éléments d'actualité, de fragments du quotidien, parfois traités avec beaucoup d'humour. 
    <o:p> </o:p>De grands thèmes émergent de l'exposition parisienne. Ils sont clairement isolés dans l'espace, même si ils s'interpénètrent bien souvent. Nous noterons à ce sujet que les ambitions thématiques comportent souvent de nombreuses limites : les catégories fondées arbitrairement pouvant englober des œuvres très diverses et une même œuvre pouvant figurer en même temps dans plusieurs sections. De cela, émerge une réflexion sur les  cloisonnements thématiques qui paraissent simplifier une approche et  faire surgir des idées fondamentales, mais qui peut aussi faire fuir la démonstration vers une démonstration faible tant les arguments sont interchangeables.


    Parmi les thèmes que nous relevons, et qui semblent, malgré les limites signalées, relativement bien caractériser la Figuration narrative et la peinture des années 1960, citons l'univers de la bande dessiné. La grande majorité des artistes travaillent une iconographie populaire qui est puisée soit directement, soit de manière détournée dans l'univers du 9ème art. Nous proposons comme seuls exemples les toiles de Erro ou Peter Saul... Cet attachement n'est pas anodin, tant nous savons que les « nouveaux figurants de la peintures » ont critiqués les artistes pop qui ont inventés un nouveau langage plastique d'abord en Angleterre, puis aux Etats-Unis dans les années 1950. Réinvestir le comics est un joli pied de nez adressé à Liechtenstein, l'usage de la BD étant très différent en France : d'avantage recomposé, avec une distance critique peut-être plus importante.
    Seconde exploration thématique, le rapport à l'histoire instauré par la Figuration narrative. On fait histoire de tout : d'un crash d'un avion, d'un bal du 14 juillet, de la visite d'un zoo... La mythologie quotidienne repose sur des évènements du quotidien auxquelles la peinture offre une intronisation historique. Tout devient histoire, même le plus banal : le fiction peut surgir de n'importe quel fait ou objet, et elle offre des assisses solides à une pénétration de l'Histoire. La mythologie du monde quotidien rejoint la question du sacré : d'une nouvelle définition de ce qui s'élève au-dessus du commun dans la création artistique. 


    <o:p> </o:p>Enfin le troisième axe que nous retenons dans cet exposé thématique défendu dans l'exposition, est le travail plastique en aplat des toiles néo-figuratives. La quasi-totalité des peintres actifs dans les années 1960 auprès du critique Gassiot-Talabot, travaillent l'espace pictural par aplats colorés, qui sont souvent cernés ou circonscrits. Ce thème de la couleur que nous avons abordé au début de notre note, en critiquant librement le recouvrement des murs, est intrinsèquement attaché à la définition même de la cohérence du groupe. L'aplat coloré qui dans l'histoire de l'art du XXe siècle est avant tout attaché à l'abstraction et à la disparition de l'iconographie, est totalement investi par la Figuration narrative. Aucune profondeur dans les toiles de Adami, Fromanger, ou Stämpfli. Le tableau est un écran qu'il convient de recouvrir en revendiquant pleinement son caractère  bidimensionnel. Fromanger fait ainsi usage du principe de la silhouette pour figurer des groupes de personnages.
    <o:p> </o:p>Toutefois, malgré cette cohérence plastique apparente, nous devons noter le caractère hétérogène des styles et factures qui caractérisent les œuvres des artistes de la Figuration narrative. Il existe quasiment autant de manière de peindre que d'artistes, les techniques employées sont très variables : recouvrement, travail au pinceau en épaisseur, peinture sur toiles photosensibles, empreintes, collages, reliefs avec objets, cloisonnements, canvas shape...Cette diversité pose problème dans la cohérence du groupe et à sans doute en partie contribuée à son éclatement. Depuis le milieu des années 1970, les artistes tenants de la Figuration narrative ont poursuivis des parcours personnels sans se soucier du groupe, ce dernier n'ayant été qu'un révélateur d'une recherche plastique nouvelle. 
    <o:p> </o:p>La Figuration narrative serait-il un mouvement éphémère ayant joué un rôle dans l'établissement progressif de la post-modernité. Ne pourrait-on pas concevoir, que l'ère post-moderne dans laquelle nous baignons encore, qui a explosée dans les années 1960, ait pu trouver son origine dans le travail artistique de Marcel Duchamp ? Le détournement des objets et en particulier des œuvres d'art, qu'il est l'un des premiers à ériger comme nouvelle œuvre d'art (L.H.O.Q.), trouve des résonances dans les pratiques de Cueco, ou Arroyo. Les œuvres appartenant à l'histoire sont morcelées, copiées, déformées, manipulées, caricaturées. Ce geste post-moderne basé sur le détournement référencé, qui est présent dans Grand pas du St Bernard de Eduardo Arroyo (Paris, coll. Jean Coulon, 1965) avec un chien qui remplace le cheval monté par Bonaparte au sommet d'un col des Alpes de David, permet d'inscrire les peintures qui nous intéressent dans une perspective artistique et intellectuelle décalée par rapport aux conventions habituelles qui leurs sont attachées.
    <o:p> </o:p>Toutefois, notre démonstration articulée autour d'un exemple duchampien, pourrait être pondéré par un ensemble d'œuvres important réalisé par des tenants de la nouvelle figuration qui tend à dénoncer la place importante tenue par Duchamp dans le débat sur l'art des années 1960. Il s'agit d'un ensemble de 8 toiles intitulées Vivre et laisser mourir ou la fin tragique de Marcel Duchamp, réalisées par Aillaud, Arroyo, et Recalcacti. Il s'agit d'une fiction mise en scène par la peinture : le meurtre de Duchamp dans des espaces qui renvoient à ces œuvres majeures. Le cadavre est par exemple allongé dans l'escalier, nu, comme cette figure représentée simultanément à différents stades de l'évolution dans l'ouvrage architectural peint vers 1910 (Nu descendant l'escalier de Duchamp). Il s'agit d'une sorte de dénonciation et une manière humoristique de régler des comptes, mais au final la peinture tend à inscrire un plue profondément dans l'Histoire le dandy Marcel.
     

    Concluons nos propos en présentant quelques idées relatives à l'œuvre de Jacques Monory, dont nous considérons le travail comme une pratique de grande valeur ayant pu négocier sa propre identité tout en restant très proche des conceptions collectives du groupe du début. Monory n'est pas seulement peintre. Il écrit des romans policiers, à réalisé des films, dont le fameux très godardien Ex- de 1968, et amateur de tir, forme de projection, puis de cinéma autre espace de la projection...


    La peinture de Monory est d'ailleurs toute entière conçue comme une projection d'une image sur un écran : la toile. La peinture est réalisée selon ce processus, puisque les images sont directement projetées sur la toile, de manière à ce qu'elles se superposent ou se rencontrent dans une sorte de « collage de peinture ». Les toiles historiques peuvent être de trois couleurs, mais à chaque fois dans un camaïeu d'un seul ton : bleu, rose, ou jaune. ces trois instruments chromatiques qui correspondent aux trois couleurs du technicolor, renvoient à l'idée de filtre au travers duquel les images projetée passeraient pour se déposer sur le support de la peinture. Monory rapporte à ce sujet des souvenirs d'enfant : ils voyaient un projectionniste placer des filtres de couleur devant l'objectif du projecteur pour colorer les films en noir et blanc. Il fit lui –même une expérience similaire dans deux des ses films (Ex- et Brighton Belle) en faisant alterner des séquences plongées dans un bain bleu puis dans un bain rose. Ces films sont constitués d'images qu'il enregistre lui-même ou d'images d'archives récupérées qui viennent appuyer une narration qui repose pleinement sur le montage. Sa peinture fonctionne sur des critères similaires : le matériel iconographique très abondant est pour partie tiré du cinéma ou de la télévision, des journaux ou des photographies personnelles. Signalons dans l'exposition la présentation de trois tableaux qui font partie de la première série de Monory : Les Meurtres, qui montrent un personnage récurrent souvent les yeux masqués, dans un espace aseptisé. La série date de 1968, elle inclut des fragments de miroirs et des traces de balles. Monory vit une séparation douloureuse. Il se met en scène dans la fiction picturale composée d'une vingtaine de grandes toiles. Développement d'une mythologie personnelle qui fonde aujourd'hui une part de la mythologie de la Figuration narrative. Expérience individuelle de portée universelle grâce à la mise en fiction.
    <o:p> </o:p><o:p> </o:p>GP | 02-06-08
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    Entre Britten et les portiques

     

    De retour dans le foyer. Interface entre deux espaces théâtraux : de pierre avec la vue sur la cour de l'Hôtel de ville, scénique avec l'entrée sur grande salle de l'opéra. Le premier s'inscrit dans la construction baroque à la française, une succession de portiques qui entraîne le regard vers le fond de la cour tout en le fragmentant. L'architecture agit sur la perception et l'occupation d'un lieu prestigieux. Le second est un dispositif contemporain destiné à produire des formes de théâtralité dans un cadre donné.

    L'interface mentionnée est notre troisième lieu de représentation (foyer). Entre celui de l'opéra ou le spectateur est passif devant le système théâtral qu'il subit, et celui des portiques qui doivent être activement parcourus pour que le dispositif fonctonne, le lieu du foyer doit permettre de se montrer tout en subissant l'apparat des autres. Un espace transitoire entre les phases passives et actives qui se donnent à nous, de part et d'autre de cet espace.


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    Mesures néfastes à la culture.

    Editorial tiré du site de La Tribune de l'Art

    LETTRE D'INFORMATION

    - N° 229 - Mercredi 14 mai 2008

    <script></script> Bonjour,

    La grande braderie 
    La nomination de Michel Clément à la direction générale des "Patrimoines de France" (titre ridicule, paraît-il provisoire<wbr>), est tout sauf une bonne nouvelle.
    Mais que faut-il attendre d'un gouvernement qui semble prendre un malin plaisir à brader toujours davantage une administration culturelle qui, avec toutes ses faiblesses, permettait tout de même de protéger et d'entretenir l'un des patrimoines les plus importants au monde ? Ce n'est d'ailleurs pas uniquement une question politique : la ville de Paris réduit toujours davantage, par exemple, les budgets consacrés aux acquisitions, comme le rappelle Le Journal des Arts paru vendredi dernier.

    Chaque semaine, les mauvaises nouvelles succèdent aux mauvaises nouvelles. Comme si la baisse dramatique des crédits dédiés à la restauration des monuments historiques ne suffisait pas, on parle maintenant de supprimer certains avantages fiscaux liés aux travaux sur les monuments privés. Il paraît qu'il s'agit de "niches fiscales", comme si les propriétaires de monuments historiques les prenaient en charge pour éviter l'impôt...

    Les archives aussi...
    Un conservateur des Archives vient de nous écrire pour attirer notre attention sur la situation dramatique dans laquelle il se trouve dans sa région. Il souligne par ailleurs que la loi archives a évacué la notion d'inaliénabilité des archives (voir
    <script></script> cet article). Il conclut en indiquant que : "nous sommes aussi menacés que les musées, parfois même plus, car ce que nous conservons est moins célèbre et plus austère."
    On lira ici la position prise par l'Association des Archivistes Français.

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