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    Micro-narratives trop micro...
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p><o:p> </o:p>La note d'intention remise au visiteur à l'entrée de l'exposition Micro-narratives, visible au musée d'Art Moderne de Saint-Etienne jusqu'au 21 septembre prochain, fascine par les ambitions qu'elle engage par rapport à l'accrochage décevant auquel nous sommes confronté. L'appropriation du néologisme de Jean-François Lyotard (Micro-narratives) permet de construire un appareil théorique suffisamment convaincant, pour que le visiteur admette l'hétérogénéité et l'extrême inégalité des pièces présentées dans la quasi-totalité des belles salles stéphanoises.
    <o:p> </o:p>Les enjeux de l'exposition sont de rassembler des œuvres d'artistes de plusieurs générations et originaires de multiples territoires géographiques, qui peuvent avoir comme facteur commun, je cite, d'être « sensibles à la proximité, à la simplicité de l'évidence et à la poésie du monde ». Les limites ainsi établies sont plus que perméables et permettraient semble-t-il d'englober une large majorité de la création actuelle... Par ailleurs la synthèse tentée à Saint-Etienne repose sur l'idée de faire un retour sur la postmodernité telle qu'elle est décrite par Lyotard, c'est à dire sur une séquence temporelle (depuis les années 1960) au sein de laquelle on s'est désintéressé des « Grands Récits », des grands faits historiques, du mythe universel, au profit d'une plus forte préoccupation pour les petites histoires, les petits récits personnels, une sensibilité plus quotidienne. Pourquoi s'intéresser à des faits postmodernes à un moment où la postmodernité est très décriée et où elle est largement remise en cause, essoufflée par la redondance de l'usage des concepts développés dans les années 1960 et par le décalage accru entre l'appareil réflexif et notre société. L'exposition ne prend aucunement un partie barthien qui pourrait s'intéresser aux nouveaux mythes de la société de consommation qui rejoignent une dimension plus quotidienne de la mythologie telle que Barthes les définit dans son fameux recueil d'articles Mythologie (1957). La part sémiologique qui aurait pu être opérante dans le cadre général énoncé n'est en rien perceptible dans les travaux montrés dans l'exposition, et aucune tentative de théorisation ne parait dans cette exposition. La déconstruction de Barthes, issue de la sémiologie linguistique de Saussure aurait pu s'appliquer à une sélection précise de pièces qui seraient particulièrement efficaces pour traiter de la question. Mais la partie prie de l'exposition de Saint-Etienne est avant tout celui de l'étalage de pièces avec des juxtapositions de travaux de natures très différentes : des photographies, à des dessins non encadrés, à une vidéo encastrée dans un mur. L'éclatement structurel de l'exposition ne rattrape la faiblesse de certaines œuvres, qui nous semblent sorties des ateliers d'étudiants présentant leur diplôme de fin de 3ème année dans une Ecole des Beaux-Arts...
    <o:p> </o:p>Les photographies de Dominika Horakova présentées dans un format ne correspondant pas du tout au sujet et dont le cadrage hésitant nuit totalement à la puissance de l'objet représenté n'apportent que très peu à la question des micro narrations. Dans un esprit relativement proche des photographies d'Abattoirs d'Eli Lotar ou des images publiées dans la revue Documents par Boiffard, les clichés n'apportent rien à l'histoire de la photographie en agissant mal habilement comme objet référencé par rapport à l'histoire de la photographie surréaliste.
    <o:p> </o:p>La référence comme moteur essentiel et parfois même unique d'œuvres présentées au musée d'Art Moderne, trouve un aboutissement risible dans les broderies encadrées d'or de Marko Stojanovic (né en 1982). Ce tout jeune artiste fait reproduire des tableaux célèbres de la modernité, telles que les peintures orthonormées en quatre couleurs de Mondrian ou le Carré noir sur fond blanc de Malevitch... On ne pouvait espérer geste plus conventionnel que d'utiliser des icones de la modernité en les traitant par une technique ancestrale : approche postmoderniste à souhait. Mais pourquoi produire ce type d'objet déjà vus et revus depuis 40 ans ? Quel discours tenir par rapport à ces propositions qui se mordent la queue en opérant une citation de citation de citation. La même attaque pourrait être portée à Luigi Ghirri dont quelques photographies sont exposées à l'étage dans une section consacrée à une collection italienne. L'artiste restitue des mises en scène d'objets pour prendre des photographies de nature morte à la manière de Morandi. Nous n'avons toujours pas perçu l'intérêt de cette pratique, dans la mesure où le résultat est clairement inefficace par rapport à la densité des peintures originales si riches en sens.
    <o:p> </o:p>Nous ne parlerons pas des multiples dessins punaisés au mur dans un esprit estudiantin, par des « artistes » venus des quatre coins du monde, l'esprit Erasmus semble avoir envahit même les salles d'exposition des plus importants musées français.
    <o:p> </o:p>C'est là notre questionnement principal, pourquoi rassembler les travaux de 80 artistes originaires de Chine, des Etats-Unis, de Slovaquie, et du Togo avec un chapeau général qui se veut intellectuel mais qui couvre dans les faits un amalgame de propositions qui ne tiennent que rarement la route et qui s'effondrent de par leur réunion dans un même espace. Nous déplorons d'autant plus ces tentatives d'expositions universalistes, que les collections du musée de Saint-Etienne sont extrêmement riches (les deuxièmes françaises après les Centre Pompidou) et très peu montrées du fait de la place importante occupée par les expositions temporaires. C'est avec une grande tristesse que nous avons quitté cet espace, pourtant magnifique pour organiser des expositions, et que nous avons salué en franchissant les portes menant sur le parvis, le magnifique bronze de Eric Dietmann...
    <o:p> </o:p>[GP] juillet 2008

     

     

    Blog de l'exposition

    http://micronarratives.wordpress.com/


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    Lautréamont, Les Chants de Maldoror, IV, 4

     

    Je suis sale. Les poux me rongent. Les pourceaux, quand ils me regardent, vomissent. Les croûtes et les escarres de la lèpre ont écaillé ma peau, couverte de pus jaunâtre. Je ne connais pas l'eau des fleuves, ni la rosée des nuages. Sur ma nuque, comme sur un fumier, pousse un énorme champignon, <script type=text/javascript>prive();</script> aux pédoncules ombellifères. Assis sur un meuble informe, je n'ai pas bougé mes membres depuis quatre siècles. Mes pieds ont pris racine dans le sol et composent, jusqu'à mon ventre, une sorte de végétation vivace, remplie d'ignobles parasites, qui ne dérive pas encore de la plante, et qui n'est plus de la chair. Cependant mon cœur bat. Mais comment battrait-il, si la pourriture et les exhalaisons de mon cadavre (je n'ose pas dire corps) ne le nourrissaient abondamment ? Sous mon aisselle gauche, une famille de crapauds a pris résidence, et, quand l'un d'eux remue, il me fait des chatouilles. Prenez garde qu'il ne s'en échappe un, et ne vienne gratter, avec sa bouche, le dedans de votre oreille : il serait ensuite capable d'entrer dans votre cerveau. Sous mon aisselle droite, il y a un caméléon qui leur fait une chasse perpétuelle, afin de ne pas mourir de faim : il faut que chacun vive. Mais, quand un parti déjoue complètement les ruses de l'autre, ils ne trouvent rien de mieux que de ne pas se gêner, et sucent la graisse délicate qui couvre mes côtes : j'y suis habitué. Une vipère méchante a dévoré ma verge et a pris sa place : elle m'a rendu eunuque, cette infâme. Oh ! si j'avais pu me défendre avec mes bras paralysés ; mais, je crois plutôt qu'ils se sont changés en bûches. Quoi qu'il en soit, il importe de constater que le sang ne vient plus y promener sa rougeur. Deux petits hérissons, qui ne croissent plus, ont jeté à un chien, qui n'a pas refusé, l'intérieur de mes testicules : l'épiderme, soigneusement lavé, ils ont logé dedans. L'anus a été intercepté par un crabe ; encouragé par mon inertie, il garde l'entrée avec ses pinces, et me fait beaucoup de mal ! Deux méduses ont franchi les mers, immédiatement alléchées par un espoir qui ne fut pas trompé. Elles ont regardé avec attention les deux parties charnues qui forment le derrière humain, et, se cramponnant à leur galbe convexe, elles les ont tellement écrasées par une pression constante, que les deux morceaux de chair ont disparu, tandis qu'il est resté deux monstres, sortis du royaume de la viscosité, égaux par la couleur, la forme et la férocité. Ne parlez pas de ma colonne vertébrale, puisque c'est un glaive. Oui, oui... je n'y faisais pas attention... votre demande est juste. Vous désirez savoir, n'est-ce pas, comment il se trouve implanté verticalement dans mes reins ? Moi-même, je ne me le rappelle pas très clairement ; cependant, si je me décide à prendre pour un souvenir ce qui n'est peut-être qu'un rêve, sachez que l'homme, quand il a su que j'avais fait vœu de vivre avec la maladie et l'immobilité jusqu'à ce que j'eusse vaincu le Créateur, marcha, derrière moi, sur la pointe des pieds, mais, non pas si doucement, que je ne l'entendisse. Je ne perçus plus rien, pendant un instant qui ne fut pas long. Ce poignard aigu s'enfonça, jusqu'au manche, entre les deux épaules du taureau des fêtes, et son ossature frissonna, comme un tremblement de terre. La lame adhère si fortement au corps, que personne, jusqu'ici, n'a pu l'extraire. Les athlètes, les mécaniciens, les philosophes, les médecins ont essayé, tour à tour, les moyens les plus divers. Ils ne savaient pas que le mal qu'a fait l'homme ne peut plus se défaire ! J'ai pardonné à la profondeur de leur ignorance native, et je les ai salués des paupières de mes yeux. Voyageur, quand tu passeras près de moi, ne m'adresse pas, je t'en supplie, le moindre mot de consolation : tu affaiblirais mon courage. Laisse-moi réchauffer ma ténacité à la flamme du martyre volontaire. Va-t'en... que je ne t'inspire aucune piété. La haine est plus bizarre que tu ne le penses ; sa conduite est inexplicable, comme l'apparence brisée d'un bâton enfoncé dans l'eau. Tel que tu me vois, je puis encore faire des excursions jusqu'aux murailles du ciel, à la tête d'une légion d'assassins,  et revenir prendre cette posture, pour méditer, de nouveau, sur les nobles projets de la vengeance. Adieu, je ne te retarderai pas davantage ; et, pour t'instruire et te préserver, réfléchis au sort fatal qui m'a conduit à la révolte, quand peut-être j'étais né bon ! Tu raconteras à ton fils ce que tu as vu ; et, le prenant par la main, fais-lui admirer la beauté des étoiles et les merveilles de l'univers, le nid du rouge-gorge et les temples du Seigneur. Tu seras étonné de le voir si docile aux conseils de la paternité, et tu le récompenseras par un sourire. Mais, quand il apprendra qu'il n'est pas observé, jette les yeux sur lui, et tu le verras cracher sa bave sur la vertu ; il t'a trompé, celui qui est descendu de la race humaine, mais, il ne te trompera plus : tu sauras désormais ce qu'il deviendra. Ô père infortuné, prépare, pour accompagner les pas de ta vieillesse, l'échafaud ineffaçable qui tranchera la tête d'un criminel précoce, et la douleur qui te montrera le chemin qui conduit à la tombe.


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